Petit aperçu historique

Compte-rendu des recherches

aux archives départementales de Vannes

 

 

Pour mieux appréhender la problématique des transports dans la rade de Lorient, nous avons pensé qu'il serait intéressant d'en approfondir l'aspect historique. C'est pourquoi nous nous sommes tout d'abord rendu aux archives de Lorient qui, après plusieurs semaines d'attente, nous ont fourni quelques documents qui traitaient principalement des "anciens" ponts sur la rade (pont Saint Chritophe et pont du Bonhomme), mais qui finissaient par la mention d'un projet un peu fantasque : la construction d'un pont trans-rade. Pour de plus amples informations sur le passé des liaisons transrades, et, de manière générale, sur les liaisons autour de la rade, nous avons donc pris la décision de nous rendre aux archives départementales de Vannes. Ceci est le compte-rendu de ces recherches, divisé en trois points essentiels.

 

Les liaisons maritimes transrades

 

Nous avons retrouvé les comptes de l'ancienne compagnie qui gérait les liaisons par batobus sur la rade de Lorient. Celle-ci s'appelait la Société coopérative des vedettes de Locmiquélic. Les bilans financiers annuels remontent jusqu'à 1974 mais l'on suppose que elle existait depuis les années 60. Ces documents montrent que la compagnie était en déficit depuis le milieu des années 70 et ce malgré les subventions accordées par le département et le district. Puis à partir des années 80, la situation devint critique. Ainsi entre 1979 et 1983, la compagnie perd plus de la moitié de ces usagers à cause de l'essor de la voiture personnelle. Finalement nous avons perdu les comptes de cette société à la fin des années 80.

 

Cependant, bien que cette compagnie fut remplacée par la CTRL, il convient de remarquer que les lignes instaurées par l'ancienne société au début des années 80 ont été conservées par la CTRL. Ainsi, après plusieurs années de changements de lignes dans les années 70 avec notamment une ligne Port Louis-Quai des Indes, la société a finalement opté pour les lignes Ste Catherine-Keroman (Port de Pêche) et Port-Louis-Keroman, qui étaient majoritairement empruntées par des personnes travaillant au port, alors que la ligne Pen Mané-Quai des Indes drainait tous les habitants de la rive gauche, et ce jusqu'au nord de Port-Louis, qui souhaitaient se rendre au centre de Lorient. Un sondage effectué le 19 novembre 1986 montre que 56,6% des utilisateurs du batobus (toutes lignes confondues) vont au port de pêche pour se rendre au travail, 18,3% au centre, 9,6% à la BSM et 13,1% à l'Arsenal. Ceci n'est sans doute plus le cas actuellement car l'activité portuaire de Lorient a décliné, ce qui montre sans doute le problème de l'absence de modification des lignes de la CTRL, l'économie locale ayant évolué.

 

Dernier point intéressant sur le sujet, bien que la flotte se soit modernisée durant les années 80 avec l'achat de l'Aigrette de Benodet rebaptisée Ste Catherine, le Kerzo, acquis en 1969, est toujours en activité aujourd'hui...

 

Le franchissement de la petite mer de Gâvres

 

En 1974, un projet de pont et un projet de passerelle ont vu le jour.

 

Le premier consiste en un pont d'une longueur 1km 450m s'appuyant sur une digue de sable de 250m et d'un ouvrage de beton de 1km 200m . Il comporte une travée levante de 20m de longueur pour autoriser le passage des bateaux de la Marine Militaire. Après des études de sol et de stabilité, le projet semblait réalisable et aurait coûté 14 millions de francs.  

 

 Le second est une passerelle pour piétons de 340,5 m de longueur qui se serait située entre le Lohic et Bangâvres à une hauteur de 15 à 25 m au dessus du niveau de la mer. Elle aurait coûté 4 millions de francs.

 

Néanmoins, ces deux projets se sont heurtés aux vétos du conseil général et de la Marine Nationale. La raison invoquée par le premier était le financement récent que le département venait d'accorder au trait d'union qui permettait le passage de 364 personnes par jour. En outre, la fréquentation du pont aurait été 8 fois moindre que celle du pont du Bonhomme. La Marine Nationale était, quant à elle, fermement opposée au projet de passerelle, réclamant un pont levis pour laisser passer ses bateaux et réticente au projet de pont bien que les raisons n'aient pas été mentionnées dans le rapport que nous avons consulté. On n'entend plus parler de ces deux projets par la suite.

 

Le franchissement de la rade de Lorient

 

Les premières traces d'un projet de liaison transrade sont celles trouvées aux archives de Lorient, qui sont datées de 1968 et 1969, la première étant un article de journal faisant état de discussions au sein des politiques, la seconde une publicité qui en vantait l'intérêt (entre autres). On retrouve ensuite le projet de manière beaucoup plus concrète en 1971, avec l'exposé de trois solutions "retenues" (peut-être suite aux débats de 1968 ?) : le franchissement de la rade est proposée soit à l'aide d'un pont entre Kergroise et un endroit entre Locmiquélic et Port-Louis qui aurait pris appui sur l'île Saint Michel, soit par un pont entre Kergroise et Pen-Mané, soit par deux ponts successifs aux embouchures du Scorff et du Blavet, en effectuant un bref appui sur la pointe du Malheur. On perd ensuite la trace de ces propositions.

 

En 1974 sont lancées une foule d'études en tout genre sur les possibilités de franchissement. La plus importante est sans conteste cette étude qui part d'une grande quantité de solutions potentielles (franchissement direct, indirect, par ponts, par tunnels, tracés...), pour en retenir six après recherches approfondies. Tous les projets ont pour extrémité rive droite Kergroise. La première consiste à ériger un pont jusqu'au centre de Locmiquélic, la seconde à le faire arriver à Pen-Mané. Les solutions 3 et 4 sont identiques, à ceci près qu'un tunnel remplace le pont. Les solutions 5 et 6, quant à elles, privilégient le franchissement indirect grâce à un appui sur Lanester. Un tunnel aurait permis le franchissement du Scorff, tandis qu'un pont, située soit à l'embouchure du Blavet (solution 5), soit un peu plus loin (solution 6), aurait permis de franchir ledit fleuve. Trois cent mille francs sont investis dans cette étude. La même année sont également réalisées des études sismiques et bathymétriques.

 

D'autres rapports sont également commandés par les collectivités locales ces années-là, comme celui remis par l'Ingeroute, ou celui d'un ingénieur des Ponts et Chaussées, qui propose trois possibilités de développement du bassin industriel lorientais : le franchissement de la rade de Lorient, le développement du domaine de Ploemeur-Larmor, ou le développement vers la RN 165. Ces rapports concernent plutôt l'état de la rade et ses besoins que la possibilité d'une liaison transrade automobile.

 

Les solutions 5 et 6 sont vite abandonnées à cause du détour qu'elles imposent, mais aussi à cause de leur coût. Deux ouvrages au lieu d'un sont en effet plus chers, mais l'argument qui prévaut ici est celui du tirant d'eau/air, qui impose les moyens techniques à mettre en oeuvre, véitable gouffre financier. Les solutions qui passent par le centre de Locmiquélic sont également abandonnées à cause de la gêne occasionnée pour le développement urbain. Il est donc demandée par l'ensemble des communes de la rade une étude approfondie des solutions 2 et 4, à savoir un pont de plus d'un kilomètre et demi de long, et un tunnel dont la partie enterrée serait de 870m, les coûts étant respectivement de 40 et 60 millions de francs environ. A noter que la Chambre de commerce et d'industrie décide de payer pour que l'étude s'étende aussi à la solution 5, ses motivations nous sont cependant inconnues.

 

Le tunnel pose vite problème : la ventilation, le coût d'entretien (1,1 millions de francs par an contre 0,4 pour le pont), mais aussi la courbure de la route très importante (imposée par le tracé) qui gêne la visibilité sont autant d'argument en faveur du pont. Néanmoins, celui-ci présente les inconvénients de boucher la rade en cas de destruction (très handicapant pour la Marine Nationale), et de gêner la circulation des bateaux dans la rade à certaines occasions. Le tunnel n'est pas non plus exempt de toute gêne maritime, puisqu'il nécessite un remblais du côté de Pen-Mané très important. L'échec de ces projets semble pourtant reposer davantage sur les arguments suivants. D'abord, les coûts financiers avancés par l'étude préliminaire n'ont apparemment qu'une valeur relative. Ensuite, la liaison transrade est considérée comme un frein à l'industrialisation de la rive gauche. En effet, un pont transformerait la rive gauche en une cité-dortoir car Lorient aspirerait alors le nouveau pôle d'emploi naissant. Du moins, c'est ce qu'on peut retenir des explications très sommaires des intéressés. Finalement, la participation au vote final de 1977 de villes comme Hennebont, pas vraiment concernées par ce projet de liaison transrade qui monopoliserait les crédits pendant de nombreuses années, permet sans doute d'expliquer le rejet du projet par le groupement de communes.

 

Le projet était de toute façon déjà présenté comme une mesure à mettre en oeuvre "à l'horizon 1985" disent certains, ou bien une décision à prendre "d'ici 10-20 ans" comme on le voit dans cette lettre écrite au ministre de l'agriculture en 1975. Toujours est-il qu'il n'a pas vu le jour, et pire, il n'est plus à l'ordre du jour.

 

 

 

Ces recherches, à défaut d'avoir offert un projet immédiatement accessible que l'on devrait sortir des cartons, ont néanmoins permis de comprendre les raisons des divers échecs. Le contexte est aujourd'hui différent, peu propice à de telles idées, mais sans doute peut-on en tirer des leçons quant à la gestion des transports dans la rade de Lorient jusqu'à maintenant.

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